Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/33

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reux, ils attendirent dans les villes environnantes, Clermont, Issoire, Brioude, Lyon, Issingeaux, Alais, qu’ils se trouvassent ensemble en grand nombre, puis ils achevèrent leur route dans la neige. Durant la Semaine Sainte, une multitude étrange se pressa dans les rues montueuses du Puy : marchands forains du Languedoc, de la Provence et de la Catalogne, qui conduisaient leurs mules chargées de cuirs, d’huiles, de laine, de tissus ou de vins d’Espagne conservés dans des peaux de boucs ; seigneurs à cheval et dames en chariots, artisans et bourgeois sur leur mulet, avec leur femme et leur fille en croupe ; puis le pauvre peuple des pèlerins qui, boitant, clochant et clopinant, un bâton à la main, le sac au dos, soufflait sur la rude montée, suivi par les troupeaux de bœufs et de moutons qu’on poussait aux boucheries.

Or, appuyé contre la muraille de l’évêché, Florent Guillaume, long, sec et noir comme une vigne en espalier, l’hiver, mangeait des yeux pèlerins et bétail.

« Voilà, dit-il à Marguerite la dentellière, voilà de grosses têtes d’aumailles. »