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Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/43

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Dame. Il prêtait à intérêt sur bons gages. On n’en pouvait pas induire qu’il fût usurier, puisqu’il était chrétien et que les Juifs seuls faisaient l’usure, les Juifs, et, si l’on veut, les Lombards et les Cahorsins. Jacquet Coquedouille en usait tout autrement que les Juifs. Il ne disait pas, à la manière de Jacob, d’Ephraïm et de Manassé : « Je vous prête de l’argent. » Il disait : « Je mets de l’argent dans votre négoce et trafic », ce qui était bien différent. Car l’usure et le prêt à intérêt étaient interdits par l’Église ; mais le négoce était licite et permis. Et pourtant, à la pensée qu’il avait réduit un grand nombre de chrétiens à la misère et au désespoir, Jacquet Coquedouille éprouvait du remords, pensant à la justice divine suspendue sur sa tête ; et, en ce saint jour de Pâques, il lui vint l’idée de s’assurer, pour le Jugement dernier, la protection de Notre-Dame. Il pensait qu’elle plaiderait pour lui, au tribunal de son divin Fils, s’il lui donnait des épices. Il alla donc au grand coffre où son or était renfermé, et après s’être assuré