Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/108

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longés indéfiniment dans une atmosphère vibrante et dorée. Mais ce qui grandissait le plus à ses yeux, c’était le marquis Tudesco ; le vieillard lui apparaissait véritablement comme un géant légendaire, et il attendait de lui des prodiges.

Tudesco souriait :

— « Vous ne buvez pas, mon jeune ami. Je devine que vous êtes amoureux. Ah ! l’amour, c’est à la fois ce qu’il y a de plus doux et de plus amer au monde. Moi aussi j’ai senti mon cœur palpiter pour une femme. Mais j’ai passé, depuis de longues années, le temps d’aimer. Je suis maintenant un vieil homme opprimé par l’adverse fortune ; mais en un temps plus serein, il y avait à Rome une diva d’une beauté si magnifique et d’un génie si touchant, que des cardinaux s’égorgeaient à la porte de sa loge : hé bien ! cette sublime créature, je l’ai pressée contre ma poitrine, et l’on m’a rapporté