Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/195

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Alors Jean rassembla dans ses deux mains les vieux outils usés et luisants, ciseaux, poinçons, couteaux, plioirs, racloirs, et il les baisa.

Il pleurait. Sa tante vint à lui, cherchant ses besicles. Tout bas, en secret, elle lui demanda un peu d’argent. Autrefois elle économisait les sous pour les glisser dans la main « de l’enfant » ; maintenant, plus faible que l’enfant, elle craignait de manquer ; elle avait des cachettes et demandait des secours aux prêtres. D’ailleurs sa tête n’était plus solide. Elle annonçait souvent à son frère qu’elle ne laisserait point passer la semaine sans aller voir les Bideau. Et les Bideau, en leur vivant portiers-tailleurs à Montrouge, étaient morts tous deux, femme et mari, depuis deux ans. Jean lui donna un louis qu’elle prit avec une joie si laide que le pauvre garçon s’enfuit dehors.