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Il se trouva, sans savoir comment, sur le quai, près du pont d’Iéna. La journée était claire, mais les murs sombres des bâtiments comme l’aspect gris de la berge disaient que la vie est dure. Dans le fleuve une dragueuse, toute jaune de marnes, vidait l’un après l’autre ses seaux pleins de gravier fangeux. Au bord de l’eau, une robuste potence de chêne déchargeait des pierres meulières en virant sur son axe. Près du pont, contre le parapet, une vieille cuivrée gardait, en tricotant des bas, un étal de vieux gâteaux aux pommes.

Jean Servien songea à son enfance. Sa tante l’avait mené bien des fois sur ce quai. Bien des fois ensemble ils avaient regardé la dragueuse amener à son bord, seau par seau, le fond fangeux du fleuve. Bien des fois sa tante avait échangé des paroles avec la marchande de gâteaux aux pommes, tandis qu’il examinait, sur la table couverte d’une serviette, la carafe