Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/65

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mêlé d’eau qu’il avait bu, il ne vit plus rien que ses rêves pleins d’images élégantes, absurdes et nobles. Et c’est environné de ces visions qu’il retourna à la fête, où l’entraîna Mme  Ewans, insatiable de spectacle et de bruit. Des arcs lumineux s’élevaient à intervalles réguliers sur l’avenue bordée d’échoppes et de tréteaux, mais les allées latérales étaient sombres et désertes sous leurs grands arbres noirs. Des couples y passaient lentement. Le bruit des musiques foraines y venait en s’adoucissant. Ils étaient là, quand un orchestre de clarinettes, de trombones et d’ophicléides éclata près d’eux, en jouant une polka de bal public. Dès les premières mesures, Mme  Ewans n’y put tenir. Elle attira Jean contre elle, lui arrangea les bras dans les siens et, d’un coup de hanche l’élevant de terre, se mit à danser avec lui. Elle se balançait au rythme de la musique ; mais lui, gauche et troublé,