Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/76

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Jean expédia lestement le repas de famille et courut au théâtre. Il ne connaissait encore les spectacles que par les affiches. Il choisit, pour cette soirée, un grand théâtre où l’on jouait une tragédie. Il prit son billet de parterre avec l’espoir confus d’entrer dans un monde de passions et de voluptés. Tout est trouble aux âmes troublées. En entrant dans la salle, il fut surpris et contristé du peu de spectateurs qu’il y avait aux fauteuils et dans les loges. Mais dès qu’il entendit les premiers grincements des violons qu’on accordait, il regarda fixement la toile, qui se leva enfin.

Alors, il vit, dans un palais romain, debout, accoudée au dossier d’un siège antique, une femme qui portait sur sa robe de laine blanche la palla couleur de safran. Elle récitait, dans le bruit des pas, des étoffes et des petits bancs, un long monologue, et faisait des gestes lents. Il