Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/77

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sentit en la voyant une joie inconnue qui peu à peu devint aiguë et presque douloureuse. La succession des scènes amena sur le théâtre une confidente, puis un héros, puis des comparses. Mais il ne voyait que la première apparition. Ses regards s’attachaient avidement à elle ; ils caressaient les deux bras nus, autour desquels jouaient des anneaux ; ils glissaient le long de la hanche, sous la haute ceinture ; ils plongeaient dans les cheveux bruns, ondulés sur le front et liés au chignon par trois bandelettes blanches ; ils se pressaient contre cette bouche qui remuait et contre les dents humides que, par moments, un reflet de la rampe faisait étinceler. Il voulait sentir, prendre, retenir cette chose belle et vivante qui lui était offerte en spectacle ; il l’enveloppait, l’étreignait des yeux.

L’entr’acte (car on change de décor au cours de cette tragédie) lui sembla fasti-