Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

son âme accablée d’une fatigue délicieuse et ses yeux seuls avaient pourvu jusqu’à l’excès aux appétits de sa nature vierge.

Il tomba à demi vêtu sur son lit, avec la joie de garder une belle image dans son âme. Le seul besoin qu’il éprouvât était de s’anéantir dans le sommeil enchanté qui pesait sur ses paupières d’adolescent.

À son réveil il chercha des yeux quelque chose. Il ne savait pas encore qu’il était amoureux, mais quelque chose lui manquait. Il n’eut pourtant d’autre envie que de lire les vers qu’il avait entendu réciter par l’actrice. Il prit sur son étagère un tome de Corneille et lut le rôle d’Émilie. Tous les vers l’enchantaient également parce qu’ils ranimaient tous en lui le même souvenir.

Son père et sa tante avec lesquels il vivait n’avaient plus pour lui un sens et une figure bien nets.

Leurs plus rudes familiarités ne pou-