Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/83

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pris l’habitude, il lut sur l’affiche que son Émilie, Mlle  Gabrielle T***, jouait dans le spectacle du soir. Cette fois, il mit, malgré l’opposition de sa tante, ses habits du dimanche, fit apprêter ses cheveux au fer et s’assit à l’orchestre. Il la revit !

Tout d’abord, elle lui sembla moins belle qu’il ne se l’était figurée. Il avait tant travaillé, tant veillé sur la première image emportée d’elle que cette image s’était transformée à son insu, et le type même qui l’avait formée n’y répondait plus. Puis il était déconcerté de ne revoir ni la stola blanche et le manteau couleur de safran, ni les bracelets et les bandelettes qui lui avaient semblé tenir à la chair qu’ils ornaient. Maintenant, elle portait le turban de Roxane et le léger pantalon noué à la cheville. Il ne s’habitua que peu à peu à ce changement. Il reconnut qu’elle avait les bras un peu