Aller au contenu

Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grêles et qu’une de ses dents était en arrière de la blanche rangée. Mais à la longue ces défauts lui furent agréables parce qu’ils étaient en elle, et il l’en aima davantage. Cette fois, par le changement qui est l’essence même de la vie et par l’imperfection qui est le caractère des êtres vivants, elle lui inspirait un intérêt sensuel et l’idée d’une chose humaine à laquelle on pouvait se prendre et se mêler. Son admiration fut alors pénétrée d’attendrissement et pleine d’une tristesse infinie. Il pleura.

Le lendemain il eut un grand désir de la voir telle qu’elle était dans la vie, en toilette de ville. C’était déjà quelque chose d’intime que de la rencontrer dans la rue. Un soir qu’elle jouait, il la guetta à la porte de l’administration par laquelle sortirent tour à tour les machinistes, les acteurs, les gardes de Paris, les pompiers, les habilleuses, les comédiennes, puis