Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il ne songeait pas qu’à une femme. Dans l’allée de sphinx et devant le temple peint, il ressentit cette impression de poésie qui se dégage des femmes anciennes et singulières et que ressentent vivement les amoureux. Le sanctuaire lui sembla vénérable, malgré l’usage forain auquel il servait dans cette exhibition universelle. En voyant les bijoux de la reine Aahotep qui vécut et fut belle au temps des patriarches, il songea avec mélancolie à ce qui avait été et n’était plus. Il se représenta les cheveux noirs qui avaient parfumé ce diadème de sphinx, les bras fins et bruns que ces perles d’or et de lapis avaient touchés, les épaules sur lesquelles ces ailes de vautour s’étaient posées, les seins aigus que ces chaînes, que ces gorgerins avaient pressés, la poitrine contre laquelle ce scarabée d’or aux élytres bleues tiédissait autrefois, la petite main royale qui avait