Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/88

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tenu ce poignard couvert de fleurs et de têtes de femmes. Il ne pouvait concevoir que ce qui était un songe pour lui eût été une réalité pour d’autres hommes. Il se perdait à suivre l’écoulement des choses. Il se disait qu’une autre forme vivante s’évanouirait à son heure et qu’il serait vain alors qu’elle eût été tant désirée. Cette idée l’attrista et le calma. Il pensait, devant ces bijoux funéraires, à tous ces hommes qui dans l’abîme des temps avaient tour à tour aimé, convoité, joui, souffert, que la mort avait pris affamés ou repus et qu’elle avait également comblés. Une tristesse tranquille l’envahit, et il resta immobile, la tête dans ses mains.