Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/149

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avec de la glu, autant de plumes qu’il en a tirées aux volatiles qu’il vendait toutes cuites à ma barbe, et qu’ainsi emplumé de la tête aux pieds, il fût conduit par les rues, au cul de sa charrette.

— Maître Léonard, dit le coutelier boiteux, vous êtes dur aux pauvres gens. C’est ainsi qu’on pousse à bout les malheureux.

— Monsieur le coutelier, je vous conseille, dit en riant mon bon maître, de faire faire à Saint-Innocent, par quelque écrivain à gages, une satire de maître Léonard et de la vendre avec vos chansons sur les douze mirlitons du roi Louis. Il conviendrait de blasonner un peu notre ami qui, dans un état quasi servile, aspire non point à la liberté, mais à la tyrannie. Je conclus de tous vos discours, messieurs, que la police des villes est d’un art difficile, qu’il y faut concilier des intérêts opposés et souvent contraires, que le bien public est formé d’un grand nombre de maux particuliers, et