Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/151

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recevons, les uns et les autres, que quelques gouttes. Un jour, quand ils seront nommés par le peuple (comme on dit qu’ils le furent aux premiers temps de la monarchie), les échevins auront dans la cité même des amis et des ennemis. Élus par les marchands payant loyer et dîme, ils maltraiteront les colporteurs. Élus par les colporteurs, ils vexeront les marchands. Élus par les artisans, ils seront contraires aux maîtres, qui font travailler les artisans. Ce sera une cause incessante de disputes et de querelles. Ils formeront un conseil tumultueux, où chacun agitera les intérêts et les passions de ses électeurs. Pourtant j’imagine qu’ils ne feront pas regretter nos échevins actuels, qui ne dépendent que du prince. Leur vanité turbulente amusera les citoyens qui s’y contempleront comme dans un miroir grossissant. Ils useront médiocrement d’une médiocre puissance. Sortis de l’état populaire, ils seront aussi incapables de le développer que de le contenir. Les riches s’épouvante-