Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/179

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— Il est vrai, mon fils, que la guerre est une des nécessités de la nature humaine, et qu’on ne peut s’imaginer des peuples qui ne se battent point, c’est-à-dire qui ne soient ni homicides, ni pillards, ni incendiaires. Vous ne concevez pas non plus un prince qui ne serait pas quelque peu usurpateur. On lui en ferait trop de reproche et on l’en mépriserait comme de ne point aimer la gloire. La guerre est donc nécessaire à l’homme ; elle lui est plus naturelle que la paix, qui n’en est que l’intervalle. Aussi voit-on les princes jeter leurs armées les unes contre les autres sur le plus mauvais prétexte, pour la raison la plus futile. Ils invoquent leur honneur qui est d’une excessive délicatesse. Il suffit d’un souffle pour y faire une tache qu’on ne peut laver que dans le sang de dix, vingt, trente, cent mille hommes, selon la population de la principauté. Pour peu qu’on y songe, on ne conçoit pas bien comment l’honneur du prince peut être lavé par le sang de ces