Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/185

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nement dont les Romains eux-mêmes n’ont pas laissé d’exemple. Les causes principales de la guerre sont les mêmes chez l’homme et chez l’animal, qui luttent l’un et l’autre pour prendre ou conserver la proie ou pour défendre le nid ou la tanière, ou pour jouir d’une compagne. Il n’y a en cela aucune différence, et l’enlèvement des Sabines rappelle parfaitement ces combats de cerfs, qui, la nuit, ensanglantent nos forêts. Nous avons réussi seulement à colorer ces raisons basses et naturelles par les idées d’honneur que nous y répandons sans beaucoup d’exactitude. Si nous croyons aujourd’hui nous battre pour des motifs très nobles, cette noblesse est tout entière logée dans le vague de nos sentiments. Moins le but de la guerre est simple, clair, précis, plus la guerre elle-même est odieuse et détestable. Et, s’il est vrai, mon fils, qu’on en soit venu à s’entretuer pour l’honneur, cela est un dérèglement excessif. Nous avons renchéri sur la cruauté des bêtes féroces, qui ne se