Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/188

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phrase d’un ton suffisamment impérieux, il se pencha à mon oreille et me dit :

» — Sacrebleu ! l’abbé, montrez-moi donc cette garce d’étoile polaire. Si je sais la distinguer dans ce fouillis de lumignons dont le ciel est tout semé, je veux que le grand diable me croque !

» Je lui enseignai incontinent la manière de la trouver et la lui montrai du doigt.

» — Oh ! oh ! s’écria-t-il, la pécore est perchée bien haut ! De l’endroit où nous sommes on ne peut la regarder sans se tordre le col.

» Et, tout aussitôt, il donna l’ordre à ses officiers de faire reculer les soldats de cinquante pas, pour qu’ils pussent voir plus facilement l’étoile polaire.

» Ce que je vous conte là, mon fils, je l’ai entendu de mes oreilles ; et vous conviendrez que ce porteur d’épée avait une idée bien naïve du système du monde et notamment des parallaxes des étoiles. Pourtant il portait les ordres du roi sur un bel habit