Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/187

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et violé plusieurs nonnains, sans y mettre de méchanceté. Il entendait assez bien son art et était fort exact sur la tenue de son régiment, qui défilait mieux qu’aucun autre. Enfin, un homme de cœur, et brave compagnon quand il s’agissait de vider un pot, comme je le vis bien à l’auberge du Cheval Blanc où maintes fois je lui tins tête. Or, il m’arriva, une nuit, de l’accompagner (car nous étions bons amis) tandis qu’il enseignait à ses hommes la manière de s’orienter par l’aspect des étoiles. Il leur récita d’abord l’ordonnance de M. de Louvois sur cette matière, et comme il la répétait par cœur depuis trente ans, il n’y faisait guère plus de fautes qu’au Pater et à l’Ave. Il dit donc tout d’abord que les soldats commenceront par chercher dans le ciel l’étoile polaire qui est fixe par rapport aux autres étoiles, lesquelles tournent autour d’elle en sens contraire des aiguilles d’une montre. Mais il n’entendait pas clairement ce qu’il disait. Car après avoir récité deux ou trois fois sa