Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/197

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toutes choses ! Heureux qui sait qu’il est également vain d’être académicien et de ne pas l’être ! Celui-là mène sans trouble une vie obscure et cachée. La belle liberté le suit partout. Il célèbre dans l’ombre les silencieuses orgies de la sagesse, et toutes les Muses lui sourient comme à leur initié.

Ainsi parla mon bon maître, et j’admirais le chaste enthousiasme qui enflait sa voix et brillait dans ses yeux. Mais l’inquiétude de la jeunesse m’agitait. Je voulais prendre parti, me jeter au combat, me déclarer pour ou contre l’Académie.

— Monsieur l’abbé, demandai-je, l’Académie n’a-t-elle pas le devoir d’appeler à elle les meilleurs esprits du royaume plutôt que l’oncle de l’évêque de la feuille[1] ?

— Mon fils, répondit doucement mon bon maître, si M. de Séez se montre austère dans ses mandements, magnifique et galant dans sa vie, s’il est enfin le parangon des

  1. Il veut dire : de l’évêque à qui le roi a donné la feuille des bénéfices ecclésiastiques.