Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/228

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peut dire que, si détestable que soit la tyrannie, il n’y a que des tyrannies nécessaires et que les gouvernements despotiques ne sont que l’étroite enveloppe d’un corps imbécile et trop chétif. Et qui ne voit que les apparences du gouvernement sont comme la peau qui révèle la structure d’un animal sans en être la cause ?

    estoient un Pays dont les Peuples n’estoient pas ny moins belliqueux ny moins jaloux de sa franchise qu’ils le pouvoient estre. Quand au second point, nous sçavons qu’outre les inclinations et les desseins qu’ils ont en fondant cet Estat, d’estre toujours maistres d’eux-mesmes ; c’est qu’ils ont donné des loix à leurs Souverains, qui (limitant leur pouvoir) les maintiennent dans leurs privilèges : de sorte que quand on les en veut priver ils deviennent furieux et courent aux armes avec tant de vitesse que rien ne peust les retenir quand il s’agit de ce point. Quant au troisiesme, je dis que la France est si amoureuse de la liberté, qu’elle ne peût pas souffrir un Esclave : de sorte que les Turcs et les Mores, bien moins encore les peuples Chrétiens, ne peuvent jamais porter des fers ny estre chargés de chaisnes, estant dans son pays : aussi arrive-t-il que quand il y a des esclaves en France, ils ne sont pas si tost à terre, qu’ils s’écrient pleins de joye : Vive la France avec son aymable Liberté. (Les Délices de la France…, par François Savinien d’Alquié, Amsterdam, 1670, in 12. — Chapitre xvi, intitulé La France est un pays de liberté pour toute sorte de personnes, pp. 245-246.)