Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/254

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à la Pomme d’or, sur le quai de Grève, proche la Maison de ville, où le vin est naturel et les saucisses excellentes. Aussi les gros marchands, qui achètent les pommes sur le Mail, ont-ils coutume d’y aller, vers midi, en partie fine. C’était le printemps ; il était doux de respirer le jour. Mon bon maître nous fit servir sur la berge, et nous dînâmes en écoutant le frais clapotis de l’eau battue par l’aviron des bateliers. Un air riant et léger nous baignait dans ses ondes subtiles et nous étions heureux de vivre à la clarté du ciel. Tandis que nous mangions des goujons frits, un bruit de chevaux et d’hommes, s’élevant à notre côté, nous fit tourner la tête.

Devinant le sujet de notre curiosité, un petit vieillard noir, qui dînait à la table prochaine, nous dit avec un sourire obligeant :

— Ce n’est rien, messieurs, c’est une servante qu’on mène pendre pour avoir volé à sa maîtresse des barbes de dentelles.