Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/90

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le temps. Les plus durs perdent à la longue un peu de leur rudesse. Je crains un empire dans sa première verdeur. Je crains l’âpre nouveauté d’une république. Et, puisqu’il faut être mal gouverné, je préfère des princes et des ministres chez qui les premières ardeurs sont tombées.

M. Jean Hibou rencogna son chapeau sur son nez et nous dit adieu d’une voix irritée.

Quand il fut parti, M. Blaizot leva les yeux de dessus ses registres et, assurant ses bésicles, il dit à mon bon maître :

— Je suis libraire à l’Image Sainte-Catherine depuis bientôt quarante ans et ce m’est une joie toujours nouvelle d’entendre les propos des savants qui fréquentent dans ma boutique. Mais je n’aime pas beaucoup les discours sur les affaires publiques. On s’y échauffe, on s’y querelle vainement.

— C’est aussi, dit mon bon maître, qu’en cette matière il n’y a guère de principes solides.