Page:Anatole France - Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue.djvu/269

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les ignorer à jamais. Être et cesser d’être ! l’effroi de cette idée me fait dresser les cheveux sur la tête ; elle ne me quitte pas. Ce qui ne sera pas me gâte et me corrompt ce qui est et le néant m’abîme par avance. Atroce absurdité ! je m’y sens, je m’y vois.

— Je suis plus à plaindre que vous, répliqua M. de La Galissonnière. Chaque fois que vous prononcez ce mot, ce perfide et délicieux mot de néant, sa douceur caresse mon âme et me flatte, comme l’oreiller du malade, d’une promesse de sommeil et de repos.

Mais Larive-du-Mont :

— Mes souffrances sont plus intolérables que les vôtres, puisque le vulgaire supporte l’idée d’un enfer éternel et qu’il faut une force d’âme peu commune pour être athée. Une éducation religieuse, une pensée mystique vous ont donné la peur et la haine de la vie humaine. Vous n’êtes pas seulement chrétien et catholique ; vous êtes janséniste