Page:Anatole France - Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue.djvu/271

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lement de vie, être plus loin de la mort. J’entends une voix qui me dit :

» — La peur que je te donne, seule je t’en guérirai ; la fatigue dont mes menaces t’accablent, seule je t’en reposerai.

» Mais je ne veux pas ! Je ne veux pas !

— Hélas ! soupira le magistrat. Si nous ne guérissons pas en cette vie les maladies qui ruinent nos âmes, la mort ne nous apportera pas le repos.

— Et ce qui m’enrage, reprit le savant, c’est que, quand nous serons tous deux morts, je n’aurai pas même la satisfaction de vous dire : « Vous voyez, La Galissonnière ! je ne me trompais pas : il n’y a rien. » Je ne pourrai pas me flatter d’avoir eu raison. Et vous, vous ne serez jamais détrompé. De quel prix se paie la pensée ! Vous êtes malheureux, mon ami, parce que votre pensée est plus vaste et plus forte que celle des animaux et de la plupart des hommes. Et je suis plus mal-