Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
LES DIEUX ONT SOIF

Et Gamelin ajouta :

— Il vous recevra, citoyenne, si vous êtes malheureuse : car son grand cœur le rend accessible à l’infortune et pitoyable à toutes les souffrances. Il vous recevra si vous avez quelque révélation à lui faire intéressant le salut public : il a voué ses jours à démasquer les traîtres.

La citoyenne Rochemaure répondit qu’elle serait heureuse de saluer en Marat un citoyen illustre, qui avait rendu de grands services au pays, qui était capable d’en rendre de plus grands encore, et qu’elle souhaitait mettre ce législateur en rapport avec des hommes bien intentionnés, des philanthropes favorisés par la fortune et capables de lui fournir des moyens nouveaux de satisfaire son ardent amour de l’humanité.

— Il est désirable, ajouta-t-elle, de faire coopérer les riches à la prospérité publique.

De vrai, la citoyenne avait promis au banquier Morhardt de le faire dîner avec Marat.

Morhardt, Suisse comme l’Ami du peuple, avait lié partie avec plusieurs députés à la Convention, Julien (de Toulouse), Delaunay (d’Angers) et l’ex-capucin Chabot pour spéculer sur les actions de la Compagnie des Indes. Le jeu, très simple, consistait à faire tomber ces