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LES DIEUX ONT SOIF

la porte la devise républicaine : « Liberté, Égalité, Fraternité ou la Mort. » Évariste Gamelin pénétra dans la nef : les voûtes, qui avaient entendu les clercs de la congrégation de Saint-Paul chanter en rochet les offices divins, voyaient maintenant les patriotes en bonnet rouge assemblés pour élire les magistrats municipaux et délibérer sur les affaires de la section. Les saints avaient été tirés de leurs niches et remplacés par les bustes de Brutus, de Jean-Jacques et de Le Peltier. La table des Droits de l’Homme se dressait sur l’autel dépouillé.

C’est dans cette nef que, deux fois par semaine, de cinq heures du soir à onze heures, se tenaient les assemblées publiques. La chaire, ornée du drapeau aux couleurs de la nation, servait de tribune aux harangues. Vis-à-vis, du côté de l’Épître, une estrade de charpentes grossières s’élevait, destinée à recevoir les femmes et les enfants, qui venaient en assez grand nombre à ces réunions. Ce matin-là, devant un bureau, au pied de la chaire, se tenait, en bonnet rouge et carmagnole, le menuisier de la place de Thionville, le citoyen Dupont aîné, l’un des douze du Comité de surveillance. Il y avait sur le bureau une bouteille et des verres, une écritoire et un cahier de papier contenant le texte de la pétition qui invitait la Convention à