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LES DIEUX ONT SOIF

sa chambre à coucher, étendue sur une chaise longue, en déshabillé galant.

Tandis que l’attitude de la citoyenne exprimait une voluptueuse langueur, autour d’elle tout disait ses grâces, ses jeux, ses talents : une harpe près du clavecin entr’ouvert ; une guitare dans un fauteuil ; un métier à broder où était montée une étoffe de satin ; sur la table, une miniature ébauchée, des papiers, des livres ; une bibliothèque en désordre comme ravagée par une belle main aussi avide de connaître que de sentir. Elle lui donna sa main à baiser et lui dit :

— Salut, citoyen juré !… Aujourd’hui même, Robespierre l’aîné m’a remis une lettre en votre faveur pour le président Herman, une lettre très bien tournée, qui disait à peu près : « Je vous indique le citoyen Gamelin, recommandable par ses talents et par son patriotisme. Je me suis fait un devoir de vous annoncer un patriote qui a des principes et une conduite ferme dans la ligne révolutionnaire. Vous ne négligerez pas l’occasion d’être utile à un républicain… » J’ai porté sans débrider cette lettre au président Herman, qui m’a reçue avec une politesse exquise et a aussitôt signé votre nomination. C’est chose faite.

Gamelin, après un moment de silence :