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LES DIEUX ONT SOIF

son greluchon, devenait compromettant par ses violences trop outrées pour paraître sincères.

Les coudes sur les genoux et les poings dans les joues, songeuse, elle demanda à son vieil ami, assis sur la paillasse :

— Que pensez-vous de tout ceci, Maurice ?

— Je pense que ces gens-ci donnent à un philosophe et à un amateur de spectacles ample matière à réflexion et à divertissement ; mais qu’il serait meilleur pour vous, chère amie, que vous fussiez hors de France.

— Maurice, où cela nous mènera-t-il ?

— C’est ce que vous me demandiez, Louise, un jour, en voiture, au bord du Cher, sur le chemin des Ilettes, tandis que notre cheval, qui avait pris le mors aux dents, nous emportait d’un galop furieux. Que les femmes sont donc curieuses ! Encore aujourd’hui vous voulez savoir où nous allons. Demandez-le aux tireuses de cartes. Je ne suis point devin, ma mie. Et la philosophie, même la plus saine, est d’un faible secours pour la connaissance de l’avenir. Ces choses finiront, car tout finit. On peut en prévoir diverses issues. La victoire de la coalition et l’entrée des alliés à Paris. Ils n’en sont pas loin ; toutefois je doute qu’ils y arrivent. Ces soldats de la République se font battre avec une ardeur que rien ne peut éteindre. Il se peut que Robes-