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LES DIEUX ONT SOIF

Il avait l’air vénérable ; son visage exprimait l’innocence. Le président lut, d’une voix émue, le verdict qui renvoyait le prévenu ; la salle éclata en applaudissements. Le gendarme qui avait amené Guillergues se précipita dans ses bras. Le président l’appela et lui donna l’accolade fraternelle. Les jurés l’embrassèrent. Gamelin pleurait à chaudes larmes.

Dans la cour du Palais, illuminée des derniers rayons du jour, une multitude hurlante s’agitait. Les quatre sections du Tribunal avaient prononcé la veille trente condamnations à mort, et, sur les marches du grand escalier, des tricoteuses accroupies attendaient le départ des charrettes. Mais Gamelin, descendant les degrés dans le flot des jurés et des spectateurs, ne voyait rien, n’entendait rien que son acte de justice et d’humanité et les félicitations qu’il se donnait d’avoir reconnu l’innocence. Dans la cour, Élodie, toute blanche, en larmes et souriante, se jeta dans ses bras et y resta pâmée. Et, quand elle eut recouvré la voix, elle lui dit :

— Évariste, vous êtes beau, vous êtes bon, vous êtes généreux ! Dans cette salle, le son de votre voix, mâle et douce, me traversait tout entière de ses ondes magnétiques. J’en étais électrisée. Je vous contemplais à votre banc. Je ne voyais que vous. Mais vous, mon ami, vous