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Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/203

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LES DIEUX ONT SOIF

objet l’évasion de la femme Capet. Interrogée par le juge, elle reconnut les faits qui lui étaient imputés ; soit simplicité, soit fanatisme, elle professa des sentiments royalistes d’une grande exaltation et se perdit elle-même.

Le Tribunal révolutionnaire faisait triompher l’égalité en se montrant aussi sévère pour les portefaix et les servantes que pour les aristocrates et les financiers. Gamelin ne concevait point qu’il en pût être autrement sous un régime populaire. Il eût jugé méprisant, insolent pour le peuple, de l’exclure du supplice. C’eût été le considérer, pour ainsi dire, comme indigne du châtiment. Réservée aux seuls aristocrates, la guillotine lui eût paru une sorte de privilège inique. Gamelin commençait à se faire du châtiment une idée religieuse et mystique, à lui prêter une vertu, des mérites propres. Il pensait qu’on doit la peine aux criminels et que c’est leur faire tort que de les en frustrer. Il déclara la femme Meyrion coupable et digne du châtiment suprême, regrettant seulement que les fanatiques qui l’avaient perdue, plus coupables qu’elle, ne fussent pas là pour partager son sort.


Évariste se rendait presque chaque soir aux Jacobins, qui se réunissaient dans l’ancienne