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LES DIEUX ONT SOIF

rayon d’argent qui éclaira la chevelure blonde, les cils d’or, le nez fin, la bouche ronde et rouge d’Athénaïs, dormant les poings fermés.

« Voilà, songea-t-il, une terrible ennemie de la République ! »

Quand Athénaïs se réveilla, il faisait jour. Le religieux était parti. Brotteaux, sous la lucarne, lisant Lucrèce, s’instruisait, aux leçons de la muse latine, à vivre sans craintes et sans désirs ; et toutefois il était dévoré de regrets et d’inquiétudes.

En ouvrant les yeux, Athénaïs vit avec stupeur sur sa tête les solives d’un grenier. Puis elle se rappela, sourit à son sauveur et tendit vers lui, pour le caresser, ses jolies petites mains sales.

Soulevée sur sa couche, elle montra du doigt le fauteuil délabré où le religieux avait passé la nuit.

— Il est parti ?… Il n’est pas allé me dénoncer, dites ?

— Non, mon enfant. On ne saurait trouver plus honnête homme que ce vieux fou.

Athénaïs demanda quelle était la folie de ce bonhomme ; et, quand Brotteaux lui eut dit que c’était la religion, elle lui reprocha gravement de parler ainsi, déclara que les hommes sans religion étaient pis que des bêtes et que, pour elle, elle priait Dieu souvent, espérant qu’il lui par-