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Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/93

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LES DIEUX ONT SOIF

Brotteaux s’était donné pour loi de ne jamais contrarier le sentiment populaire, surtout quand il se montrait absurde et féroce, « parce qu’alors, disait-il, la voix du peuple était la voix de Dieu ». Mais Brotteaux était inconséquent : il déclara que cet homme, qu’il fût capucin ou ne le fût point, n’avait pu dérober la citoyenne, dont il ne s’était pas approché un seul moment.

La foule conclut que celui qui défendait le voleur était son complice, et l’on parlait maintenant de traiter avec rigueur les deux malfaiteurs, et, quand Gamelin se porta garant de Brotteaux, les plus sages parlèrent de l’envoyer avec les deux autres à la section.

Mais la jolie fille s’écria tout à coup joyeusement qu’elle avait retrouvé sa bourse. Aussitôt elle fut couverte de huées et menacée d’être fessée publiquement, comme une nonne.

— Monsieur, dit le religieux à Brotteaux, je vous remercie d’avoir pris ma défense. Mon nom importe peu, mais je vous dois de vous le dire : je me nomme Louis de Longuemare. Je suis un régulier, en effet ; mais non pas un capucin, comme l’ont dit ces femmes. Il s’en faut de tout : je suis clerc régulier de l’ordre des Barnabites, qui donna des docteurs et des saints en foule à l’Église. Ce n’est point assez d’en faire remonter l’origine à saint Charles Borromée : on doit