Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/116

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croyait devoir aux autres et à lui-même d’expliquer sa pensée. Après le potage, en attendant la truite, il dit, accoudé à la table :

— Mon cher Bergeret, je suis patriote et républicain. Que Dreyfus soit innocent ou coupable, je n’en sais rien. Je ne veux pas le savoir, ce n’est pas mon affaire. Il est peut-être innocent. Mais certainement les dreyfusistes sont coupables. En substituant leur opinion personnelle à une décision de la justice républicaine, ils ont commis une énorme impertinence. De plus, ils ont agité le pays républicain. Le commerce en souffre.

— Voilà une jolie femme, dit M. Bergeret, elle est longue, svelte et d’un seul jet comme un jeune arbre.

— Peuh ! dit M. Mazure, c’est une poupée.

— Vous en parlez bien légèrement, dit M. Bergeret. Quand une poupée est vivante, c’est une grande force de la nature.

— Moi, dit M. Mazure, je ne me soucie ni