Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/172

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si elle n’avait possédé dans sa plénitude le don délicieux d’oublier le passé. Elle savait que, s’il était soucieux, ce n’était pas sans cause. Elle savait qu’il conspirait et qu’il était chargé, pour sa part, de « décerveler » un préfet de première classe et les principaux républicains d’un département très peuplé ; qu’il risquait dans cette entreprise sa liberté, sa vie, pour le trône et l’autel. C’est parce qu’il était un conspirateur qu’elle l’avait d’abord aimé. Mais à présent, elle l’aurait préféré plus souriant et plus tendre. Il ne l’avait pas mal accueillie. Il lui avait dit : « Vous voir, c’est une ivresse. Depuis quinze jours, je marche vivant dans mon rêve étoilé, positivement. » Et il avait ajouté : « Que vous êtes délicieuse ! » Mais il l’avait à peine regardée. Et tout de suite il était allé à la fenêtre. Il avait soulevé un petit coin de rideau, et depuis dix minutes il restait là, en observation.

Il lui dit sans se retourner :