Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/246

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— N’est-ce pas que cela sera ?… Mais quand ? demanda Pauline avec candeur.

Et M. Bergeret répondit, non sans douceur ni tristesse :

— Ne me demande pas de prophétiser, mon enfant. Ce n’est pas sans raison que les anciens ont considéré le pouvoir de percer l’avenir comme le don le plus funeste que puisse recevoir un homme. S’il nous était possible de voir ce qui viendra, nous n’aurions plus qu’à mourir, et peut-être tomberions-nous foudroyés de douleur ou d’épouvante. L’avenir, il y faut travailler comme les tisseurs de haute lice travaillent à leurs tapisseries, sans le voir.

Ainsi conversaient en cheminant le père et la fille. Devant le square de la rue de Sèvres, ils rencontrèrent un mendigot solidement implanté sur le trottoir.

— Je n’ai plus de monnaie, dit M. Bergeret. As-tu une pièce de dix sous à me donner, Pauline ? Cette main tendue me