Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à ces maux à la fois vulgaires et augustes qui résultent de la condition humaine ne s’ajouteront plus les maux artificiels qui résultent de notre condition sociale. Les hommes ne seront plus déformés par un travail inique dont ils meurent plutôt qu’ils n’en vivent. L’esclave sortira de l’ergastule et l’usine ne dévorera plus les corps par millions.

» Cette délivrance, je l’attends de la machine elle-même. La machine qui a broyé tant d’hommes viendra en aide doucement, généreusement à la tendre chair humaine. La machine, d’abord cruelle et dure, deviendra bonne, favorable, amie. Comment changera-t-elle d’âme ? Écoute. L’étincelle qui jaillit de la bouteille de Leyde, la petite étoile subtile qui se révéla, dans le siècle dernier, au physicien émerveillé, accomplira ce prodige. L’Inconnue qui s’est laissée vaincre sans se laisser connaître, la force mystérieuse et captive, l’insaisissable saisi par nos mains,