Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/263

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Laprat-Teulet, tête de liste il recevait des injures et des crachats dont la liste entière était éclaboussée. C’était un non-lieu, et il est vrai qu’il avait fait des affaires. On rappelait le temps où, compromis dans le Panama, sous la menace d’un mandat d’arrêt, il laissait croître une barbe blanche qui le rendait vénérable et se faisait rouler dans une petite voiture par sa pieuse femme et par sa fille, habillée comme une béguine. Il passait chaque jour, dans ce cortège d’humilité et de sainteté, sous les ormes du mail, et se faisait mettre au soleil, pauvre paralytique qui du bout de sa canne traçait des raies dans la poussière, tandis que d’un esprit retors il préparait sa défense. Un non-lieu la rendit inutile. Il s’était redressé depuis. Mais la fureur nationaliste s’acharna contre lui ! Il était panamiste, on le fit dreyfusard. « Cet homme, se disait Ledru, va couler la liste. » Il fit part de ses inquiétudes à Worms-Clavelin :