Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/105

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en 1832, avec Mme  la duchesse de Berri, et qui amusait sa vieillesse à meubler d’épées historiques sa salle d’armes du château de Mauffeuges, aux Rosiers. Ce grand vieillard, qui avait été garde du corps de Charles X, abondait en récits de cour et en généalogies qu’il débitait d’une voix de tonnerre, dans un langage qui me semblait ancien et qui était provincial. M. de Gerboise était bon gentilhomme, avec un air paysan et un parler rustique. La face rougeaude sous une abondante crinière blanche, grand, gros, fier encore de ses mollets, qui avaient été les plus beaux du royaume, vers 1827, jurant Dieu et tous les saints de l’Anjou, violent et finaud, pieux, bretteur et paillard, il m’amusait infiniment par la verdeur de ses propos et par l’abondance de ses anecdotes.

Il traitait avec quelque considération Leclerc jeune, qui avait été garde royal et qui, dans sa simplicité laborieuse, tenait plus de l’artisan que du brocanteur. Et, parvenu à l’âge où l’on a perdu tous les compagnons des jeunes années, le vieux chouan de 1832 se plaisait à rappeler devant l’ancien soldat de la Restauration les souvenirs de leur commune jeunesse.