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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/106

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Tandis qu’il parlait, je me faisais tout petit dans mon coin pour qu’on ne m’aperçût pas, et j’écoutais.

Que de fois je l’entendis conter les souvenirs de la Révolution de 1830 et le voyage royal de Cherbourg ! C’est un récit qu’il terminait toujours en s’écriant :

« Le maréchal Maison, quel gueux ! »

Leclerc ne manquait pas d’ajouter :

« Pendant trois jours, monsieur le marquis, nous n’eûmes à manger que les pommes de terre que nous prenions dans les champs. Et je reçus d’un paysan un coup de fourche dont je suis demeuré boiteux. »

C’est tout ce qu’il avait gagné au service du roi, et pourtant il était resté royaliste, et il gardait précieusement dans le tiroir de sa commode un morceau du drapeau blanc que le régiment s’était partagé dans la cour du château de Rambouillet.

Un jour, il m’en souvient, M. de Gerboise demanda de sa voix rude et chaude :

« Leclerc, où donc étiez-vous en garnison dans l’été de 1828 ? »

L’armurier, levant la tête de dessus son établi :