Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/121

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rieurement qu’il eût une belle âme et que j’en eusse une plus belle encore, afin que Mme  Planchonnet fût aimée de deux hommes dignes d’elle.

C’est pourquoi je résolus de sonder le cœur de Planchonnet.

« Monsieur, lui dis-je, vous exercez une belle profession.

— Ah ! me répondit-il, en allumant sa pipe, vous trouvez ça beau de rédiger des canards dans les départements. Et des canards cléricaux. Je travaille pour la calotte. Mais on ne choisit pas son parti, n’est-il pas vrai ? »

Et il se mit à fumer tranquillement sa pipe en écume de mer, sur laquelle une femme nue était sculptée voluptueusement.

Je lui demandai :

« Monsieur Planchonnet, connaissez-vous ma tante ? »

Il me répondit :

« Je ne connais personne à Corbeil. Il y a six mois, j’étais à Gap… Un peu d’anisette, n’est-ce pas ? »

Un immense besoin de tendresse s’était développé en moi. Il me venait de l’amitié pour Planchonnet. Je lui témoignai de la familiarité,