Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/168

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rend supportables à la communauté. On les appelait autrefois des coutumes. Le fonds en est extrêmement ancien. L’intelligence a commencé de poindre dans les esprits quand l’homme avait déjà construit sa foi, ses mœurs, ses amours et ses haines, son impérieuse idée du bien et du mal. Elle est d’hier. Elle date des Grecs, des Égyptiens, si vous voulez, ou des Acadiens, ou des Atlantes. Elle vint après la morale, que dis-je ? après la flûte et l’essence de rose. Elle est dans ce vieil animal une nouveauté charmante et méprisable. Elle a jeté çà et là d’assez jolies lueurs, je n’en disconviens pas. Elle rayonne agréablement dans un Empédocle et dans un Galilée, qui auraient vécu plus heureux s’ils avaient eu moins d’aptitude à saisir quelques rapports fixes dans l’infinie diversité des phénomènes. L’intelligence a quelque grâce, un charme, je l’avoue. Elle plaît en quelques personnes. Rare comme elle est aujourd’hui et retirée dans un petit nombre d’hommes méprisés, elle demeure innocente. Mais il ne faut pas s’y tromper : elle est contraire au génie de l’espèce. Si, par un malheur qui n’est point à craindre, elle pénétrait tout à coup dans la masse humaine, elle y ferait l’effet