Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/169

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d’une solution d’ammoniaque dans une fourmilière. La vie s’arrêterait subitement. Les hommes ne subsistent qu’à la condition de comprendre mal le peu qu’ils comprennent. L’ignorance et l’erreur sont nécessaires à la vie comme le pain et l’eau. L’intelligence doit être, dans les sociétés, excessivement rare et faible pour rester inoffensive.

C’est ce qui se produit, en effet. Non que tout soit réglé dans le monde pour la conservation des êtres, mais parce que les êtres ne se conservent que dans des circonstances favorables. Il faut reconnaître que l’humanité, dans son ensemble, éprouve, d’instinct, la haine de l’intelligence. Le sentiment obscur et profond de son intérêt l’y pousse.


ARISTE


L’intelligence, telle que vous l’avez définie, est évidemment l’intelligence spéculative, l’aptitude à la philosophie des sciences. Et il semble bien que cette faculté n’est pas aussi nouvelle que vous dites et qu’elle est au contraire vieille comme l’humanité. L’homme qui le premier fit griller, dans sa caverne, sur la