Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/19

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Morte ; je pensais que si on pouvait aller plus loin, on apercevrait Dieu le père en robe bleue, sa barbe blanche emportée par le vent, et Jésus marchant sur les eaux, et peut-être le préféré de mon cœur, Joseph, qui pouvait bien vivre encore, car il était très jeune quand il fut vendu par ses frères.

J’étais fortifié dans ces idées par la considération que le Jardin des Plantes n’était autre chose que le Paradis terrestre un peu vieilli, mais, en somme, pas beaucoup changé. De cela, je doutais encore moins que du reste ; j’avais des preuves. J’avais vu le Paradis terrestre dans ma Bible, et ma mère m’avait dit : « Le Paradis terrestre était un jardin très agréable, avec de beaux arbres et tous les animaux de la création. » Or, le Jardin des Plantes, c’était tout à fait le Paradis terrestre de ma Bible et de ma mère, seulement, on avait mis des grillages autour des bêtes, par suite du progrès des arts et à cause de l’innocence perdue. Et l’Ange qui tenait l’épée flamboyante avait été remplacé, à l’entrée, par un soldat en pantalon rouge.

Je me flattais d’avoir fait là une découverte assez importante. Je la tenais secrète. Je ne la