Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/196

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eaux formaient un tourbillon où s’abîmaient les barques. Déjà de nombreux équipages avaient péri à la Madeleine, et les berges du fleuve commençaient à se couvrir la nuit d’âmes en peine. Saint Adjutor combla le gouffre en y jetant les chaînes dont naguère il avait été chargé injustement par les infidèles. C’était peu de quelques anneaux de fer pour combler un abîme. Mais il jetait dans le fleuve, avec ses chaînes, les souffrances du juste et la patience du saint. Maintenant, la charité ne fait plus de miracles de ce genre ; il faut employer les dragues.

Ce miracle a été mis en vers au XVIIe siècle, dans un lamentable style de complainte.


Un gouffre en la Seine voisine
Par ses flots tortueux ruine
Et les hommes et les bateaux,
Les coulant jusqu’au fond des eaux.
Mais Adjutor longtemps ne souffre
L’incommodité de ce gouffre.
Se sentant touché de douleur,
Hugues, son prélat, il appelle ;
Ils y vont en même nacelle
Pour mettre fin à ce malheur.


Le grand saint Adjutor jette, comme nous l’avons dit, ses chaînes « en les ondes inhu-