Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/212

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et ramène la flottille des pêcheurs de crevettes. Nous avons à notre gauche les remparts, que la Somme et la mer baignaient naguère, et dont les vieux grès ont été couverts par l’embrun d’une rouille dorée. L’église élève sur ces remparts ses cinq pignons aigus, percés, au XVe siècle, de grandes baies à ogives, son toit d’ardoises en forme de carène renversée, et le coq de son clocher. Au XIe siècle, il y avait là une autre église qui avait aussi sa girouette. Au mois de septembre 1066, Guillaume le Bâtard venait ici chaque matin consulter avec inquiétude le coq du clocher. Son ost, composé de soixante-sept mille combattants, sans compter les valets, les ouvriers et les pourvoyeurs, attendait proche la ville ; sa flotte, échappée à un premier naufrage, mouillait dans la baie. Quinze jours durant, le vent, soufflant du Nord, retint au port cette multitude d’hommes et de barques. Le Bâtard, impatient de conquérir l’Angleterre sur Harold et les Saxons, s’affligeait d’un retard pendant lequel ses navires pouvaient s’avarier et son armée se disperser. Pour obtenir un vent favorable, il ordonna des prières publiques et fit promener dans le camp la châsse de saint Valery. Ce bienheureux, sans doute, n’aimait