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à nos aïeux sauvages les premiers arts de la vie et de hautes espérances.

« Mais, hélas ! direz-vous, ils ont tué les petits génies des bois et des montagnes. Le bon saint Valery a fait mourir la nymphe de la fontaine. C’est pitié.

— Oui, ce serait une grande pitié. Mais cessez de vous attrister. Je vous le dis tout bas : ces pieux personnages n’ont pas fait périr le moindre petit dieu. Saint Valery n’a pas tué de nymphes, et les doux démons qu’il chassait d’un arbre entraient dans un autre. Les génies, les nymphes et les fées se cachent quelquefois, mais ils ne meurent jamais. Ils défient le goupillon des saints. »

Je lis dans un gros livre que, après la mort de saint Valery, les habitants de la baie de la Somme retombèrent dans l’idolâtrie. Ils avaient revu les dames mystérieuses des sources, et ils étaient revenus à leurs premières amours. Tant qu’il y aura des bois, des prés, des montagnes, des lacs et des rivières, tant que les blanches vapeurs du matin s’élèveront au-dessus des ruisseaux, il y aura des nymphes, des dryades ; il y aura des fées. Elles sont la beauté du monde : c’est pourquoi elles ne périront jamais.