Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/233

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dans un trou. Les crabes avaient déjà dévoré une oreille et attaqué la joue.

On a porté aujourd’hui le petit cercueil sous un drap blanc, dans la vieille église qui domine la mer. Les femmes de Cayeux, avec les parents de l’enfant défunt, tenaient la tête du cortège ; elles portaient la pelisse noire, commune autrefois à toutes les femmes de la Picardie et des Flandres. Elles ressemblaient ainsi, sur le chemin montueux de l’église, aux saintes femmes que peignaient les maîtres flamands, au pied du Calvaire, en prenant leurs modèles sous leurs yeux. Les grandes pelisses ont passé par héritage des mères aux filles, et quelques-unes ont vu peut-être d’un siècle d’humbles douleurs. Les jeunes Valéricaines dédaignent aujourd’hui ce vêtement traditionnel. Elles portent, aux grands jours de la vie, des chapeaux à la mode de Paris et se croient « braves » avec des mantelets garnis de jais, sur lesquels elles croisent leurs mains rouges.

Le cortège entra sous le vieux porche et l’office des morts commença. Derrière le cercueil, au poële blanc dont les cordons étaient tenus par quatre petits garçons, raidement habillés de gros drap noir, le père et la mère se tenaient