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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/241

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Il est peut-être utile de dire ce que c’est que cette brincqueballe sur laquelle on mettait les victimes des passions de l’amour. Une brincqueballe est, en langage picard, le levier qui sert sur les navires à faire jouer le piston de la pompe. Quant aux « flots » de la ville, ce sont de grandes citernes. Les magistrats valéricains punissaient par l’eau ces mêmes « péchés » que Dante vit châtiés dans l’enfer par le souffle du vent. Le flot dans lequel on trempait les pécheurs charnels se voit encore proche la porte Guillaume. Il vient d’être mis à sec. La municipalité a décidé que ce flot serait conservé comme monument historique.

La fête communale du 15 août a amené ici quelques forains qui campent sur la petite place des Pilotes. Des somnambules et des tireuses de cartes ont dételé leur voiture garnie d’un lit blanc. La femme sauvage est venue aussi. Une peinture déployée le long de la baraque la représente dévorant la chair palpitante d’un homme blanc. En réalité la femme sauvage est une pauvre fille qu’on a cirée comme une botte et qui garde, sous le cirage, un air de candeur et d’innocence. Elle a des yeux bleus d’une inaltérable douceur. Elle est la vivante image