Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/242

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de la faiblesse, de la souffrance paisible et de la résignation, et c’est elle qui fait la femme anthropophage ! Voilà un grand exemple du désordre qui règne sur cette terre.

L’orgue des chevaux de bois ronfle toute la soirée sur la place des Pilotes, et mêle au bruit des lames qui brisent des airs de bals de barrière. Les chevaux, assiégés par de jolies demoiselles de Paris, et par des petits pêcheurs déguenillés, tournent sans répit.

J’ai longtemps médité sur les chevaux de bois. Je voudrais les étudier méthodiquement. Mais la grandeur du sujet m’effraie. Et j’y découvre d’abord une grande difficulté. Si l’on s’efforce de définir les diverses sensations qui affectent douloureusement l’organisme humain on peut espérer d’y réussir. Quand nous disons par exemple qu’une douleur est aiguë ou qu’elle est sourde, qu’elle est lancinante ou fulgurante, nous nous faisons entendre assez bien. On éprouve au contraire un insurmontable embarras à représenter par des mots les sensations agréables ; celles mêmes qui, résultant du jeu régulier des organes, sont usuelles et fréquentes, échappent aux approximations du langage articulé. Dire que ces sensations sont